Gaza —
Deux ans après le déclenchement de la guerre, la bande de Gaza s’enfonce dans une crise de santé mentale profonde et durable.
Vingt-quatre mois de bombardements, de déplacements forcés et de pertes humaines ont laissé des cicatrices psychologiques aussi graves que la destruction physique visible sur le terrain.
Les experts alertent : la crise psychologique est désormais aussi alarmante que la crise humanitaire. Le traumatisme collectif menace de marquer durablement la société gazaouie.
Une épidémie silencieuse
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), plus de 80 % des habitants de Gaza présentent des symptômes graves de détresse mentale : dépression, anxiété, troubles du sommeil et syndrome de stress post-traumatique (SSPT).
Les psychologues parlent d’un « effondrement psychique collectif », résultat direct d’une peur constante, de pertes répétées et d’un sentiment d’impuissance face à la violence.
« Les gens vivent dans un état de survie permanent », explique la psychologue Dr Hanan Nasser, qui travaille dans une unité mobile de soutien psychologique dans le sud de Gaza. « Nous ne traitons pas des traumatismes passés, mais des traumatismes qui continuent chaque jour. »
Un système à genoux
Avant la guerre, le système de santé mentale de Gaza était déjà fragile : à peine 50 psychiatres et psychologues pour plus de deux millions d’habitants.
Aujourd’hui, il est presque inexistant.En 2025, le seul hôpital psychiatrique du territoire a été détruit, privant des milliers de patients de soins et de médicaments essentiels. Beaucoup d’entre eux, atteints de schizophrénie ou de dépression sévère, vivent désormais sans suivi médical dans des abris de fortune.
« Nous avons perdu bien plus qu’un bâtiment », confie le psychiatre Dr Samer Abou Shahla. « Nous avons perdu le cœur de notre système de santé mentale. Des patients que nous suivions depuis des années ont disparu, déplacés ou morts. »
Les enfants : les plus vulnérables
Les enfants paient le prix le plus lourd de cette guerre sans fin.
Après deux années de violence, un grand nombre d’entre eux n’ont connu que la peur, les sirènes et les décombres.Un rapport de Save the Children révèle que neuf enfants sur dix à Gaza présentent des symptômes graves de troubles psychologiques : cauchemars, mutisme, agressivité, régressions comportementales et perte d’intérêt pour les jeux.
« Quand je leur demande de dessiner quelque chose de joyeux, ils dessinent des avions, des bombes et des tombes », raconte une enseignante de Rafah. « Leur imagination a été remplacée par la peur. »
Un traumatisme sans fin
Dans la plupart des conflits, la guérison psychologique commence lorsque les combats cessent.
Mais à Gaza, le traumatisme ne s’arrête jamais : les bombardements, les déplacements et la faim perpétuent un état de stress chronique.« On ne peut pas guérir un traumatisme que l’on r
Des efforts humanitaires limités
Malgré l’effondrement du système médical, certaines organisations locales et internationales continuent de fournir un soutien psychologique.
Des équipes mobiles de psychologues visitent les abris pour organiser des thérapies collectives et des activités pour enfants.L’OMS et l’UNICEF ont mis en place des programmes de soutien psychologique à distance et de formation aux premiers secours émotionnels pour les enseignants et les bénévoles.
Mais les coupures d’électricité, le manque d’internet et la destruction des infrastructures limitent sévèrement ces efforts.evit chaque jour », souligne la Dr Nasser. « Le sentiment de peur fait désormais partie du quotidien. »
Des milliers de familles vivent dans des tentes ou des bâtiments détruits, dans des conditions insalubres, sans intimité ni sécurité — un terrain fertile pour l’aggravation des troubles mentaux.
Un traumatisme générationnel
Les experts préviennent : les effets psychologiques de cette guerre dureront bien au-delà du conflit.
Les traumatismes non traités risquent d’engendrer des troubles chroniques, des addictions, des violences domestiques et une perte de cohésion sociale.
Chez les enfants, l’exposition prolongée au stress peut altérer le développement cérébral et les capacités d’apprentissage.« Nous assistons à un effondrement sociétal à long terme », déclare un coordinateur en santé mentale de l’OMS. « Les blessures psychiques d’aujourd’hui façonneront Gaza pour les générations futures. »
Un appel urgent à la communauté internationale
Les médecins et humanitaires appellent à reconnaître la santé mentale comme une priorité humanitaire.
Ils demandent la reconstruction des centres psychiatriques, l’approvisionnement en médicaments et la création de zones sécurisées pour offrir des soins sans crainte.
« La guerre a détruit nos corps et nos esprits », conclut le Dr Abou Shahla. « Si le monde n’agit pas maintenant, Gaza continuera de saigner psychologiquement bien après la fin des combats. »
Sources :
Organisation mondiale de la santé (OMS) — Rapport 2025 sur la santé mentale à Gaza
Save the Children — Rapport 2025 : Une génération traumatisée
Bureau régional de l’OMS pour la Méditerranée orientale (EMRO)
Agences de presse : AP News, Reuters, Le Monde, France 24